La nature de l'hypnose

 Effie Matalon, Ph.D.

L’hypnose est un phénomène connu depuis des siècles. On émet l’hypothèse que ses précurseurs se trouvent dans l’antiquité. Mesmer (1734-1845), médecin viennois, est reconnu comme le père de l’hypnose. Au cours des XVIIIe , XIXe et XXe siècles, plusieurs applications voient le jour en médecine et en psychiatrie (3, 7, 8). Depuis la Deuxième Guerre mondiale, la prolifération de la recherche scientifique et la multiplicité des applications cliniques confèrent à l’hypnose un statut reconnu parmi d’autres outils ou approches utilisés en psychologie, en psychiatrie, en médecine et en médecine dentaire.

L’hypnose, plus particulièrement l’hypnose clinique, est un mode thérapeutique puissant qui a fait ses preuves. On peut en faire usage dans les cas d’affections somatiques et psychologiques tout comme dans le contrôle de la douleur, la prévention, l’entraînement et la modification des habitudes (3, 8, 12).

Comment définit-on l’hypnose ?

La littérature nous fournit autant de définitions qu’il y a d’écoles de pensée dans le domaine et d’auteurs pour promouvoir ces écoles. Erickson, un éminent psychiatre américain, considérait que l’hypnose est un phénomène naturel. Il se manifeste chaque jour alors que nous sommes concentrés dans un travail, la lecture, devant la télévision, dans la rêverie, la conduite automobile ou autres activités favorisant l’absorption. Selon lui, notre inconscient est très actif pendant le processus hypnotique et il nous aide à faire la synthèse personnelle des données qu’il possède. Il travaille à notre insu, à sa façon, intelligemment, nous permettant de réaliser un travail psychologique favorable à notre bien-être physique et mental(5).
Par ailleurs, la plupart des théoriciens de l’approche dite traditionnelle conçoivent l’hypnose comme une relation à deux. Selon eux, l’hypnose est une situation et/ou un ensemble de règles établies entre deux personnes dont une est désignée comme l’hypnotiseur et l’autre comme le patient ou le client. L’hypnotiseur suggère au patient ou au client d’expérimenter certains changements ou modifications sur le plan des sensations, des perceptions, de la cognition et de la motricité comportementale. (10).

Que se passe-t-il plus précisément lors d’une transe hypnotique ?

Voici un bref aperçu selon nos connaissances actuelles à travers diverses écoles. Pendant l’hypnose, on note un mode particulier de fonctionnement psychique qui comprend à la fois une attitude passive et une attitude active. Passive parce que la personne peut paraître manquer d’initiative et se concentrer sur un sujet spécifique suggéré par l’hypnotiseur. Active parce qu’intérieurement, il y a un travail important qui s’élabore. Le sujet éprouve des sensations et des émotions. L’accès à son imaginaire et à son inconscient est grandement facilité. Il peut aussi retrouver des souvenirs du passé, réels ou fictifs, et des états d’âme refoulés pouvant conduire à la découverte de conflits non résolus et de vieilles situations traumatiques. Cette attitude active présente des avantages majeurs dans une thérapie puisqu’elle favorise l’émergence de solutions aux problèmes psychologiques et mêmes physiques en rendant à l’organisme sa disponibilité et sa compétence à prendre soin de la guérison des affections somatiques (4, 5, 7, 12).

Des manifestations tant physiques que psychologiques sont couramment observées chez les sujets hypnotisés sans qu’il nous soit possible de les comprendre parfaitement dans l’état actuel de nos connaissances. Nous observons quotidiennement les bienfaits de l’hypnose chez nos patients, mais devons recourir à des hypothèses pour en expliquer certains mécanismes. Par exemple, comment les suggestions ou messages hypnotiques arrivent-ils à produire des effets physiologiques ou psychologiques aussi puissants et aussi rapides ? Certaines théories modernes présentent des hypothèses expliquant les bienfaits de l’hypnose sur les plans somatique et psychologique. Elles mettent l’emphase sur la collaboration de divers systèmes physiologiques responsables de la transduction des messages hypnotiques aux organes du corps et aux tissus (12).

En hypnose clinique ou dans le processus thérapeutique, les suggestions sont très importantes. Elles seront d’autant plus efficaces que certaines conditions auront été respectées : les suggestions doivent être raisonnables et significatives pour le sujet qui doit les endosser pour permettre leur adoption et la concrétisation de leur contenu; les suggestions doivent également être communiquées sous un mode favorisant le consentement du sujet (9).Cette dernière condition implique la capacité du thérapeute d’établir une relation de confiance avec la personne hypnotisée, condition qui est très importante pour la réussite des traitements de psychothérapie (3,6,7).

 

 

La transe hypnotique et ses caractéristiques

La transe hypnotique présente des caractéristiques particulières, observables tant subjectivement qu’objectivement. Les caractéristiques subjectives sont (4,13) :

  • absorption intense par le phénomène hypnotique ;
  • perte de l’orientation temporelle ;
  • impression d’étrangeté rendant le phénomène hypnotique mystérieux ;
  • capacité accrue de réceptivité interne avec diminution des défenses
    psychologiques.

Les caractéristiques objectives sont (9):

  • passivité importante avec inhibition des capacités d’expression verbale
    (sauf si le sujet est invité à parler) ;
  • grande relaxation avec atonie des membres ;
  • immobilité du corps et manque d’expression faciale ;
  • battement des paupières, larmoiement, salivation excessive entraînant
    une déglutition lente.

Grâce l’état hypnotique, on peut influencer les processus physiologiques, le système nerveux autonome et l’appareil psychique (3, 7, 8, 12). De même on peut ralentir ou accélérer le rythme cardiaque, produire des changements au niveau vasomoteur, influencer le système immunitaire au point de réduire le temps de guérison d’une plaie ou encore modifier ou faire disparaître la perception de la douleur. On constate aussi des effets positifs dans des domaines aussi variés que les émotions, la mémoire, les perceptions, les fonctions cognitives, les comportements et les attitudes. L’hypnose sert à explorer l’inconscient et peut favoriser la modification de certains symptômes.

 

 

L’hypnotisabilité

L’hypnotisabilité ou l’aptitude d’entrer en état de transe dépend de plusieurs facteurs, tels que les croyances, les attitudes face à l’hypnose, la motivation pour le changement, les attentes et la capacité de lâcher prise.

Certains auteurs perçoivent la susceptibilité hypnotique comme une disposition personnelle qu’ils comparent à un trait de caractère. Elle varie d’une personne à l’autre et elle est mesurable. Les échelles d’hypnotisabilité, développées surtout en Amérique du Nord, comportent des suggestions hypnotiques qui permettent de préciser le degré d’hypnotisabilité du sujet (2, 3).

L’ensemble des recherches nous apprend qu’environ un tiers de la population présente un degré élevé d’hypnotisabilité, un autre tiers un degré moyen d’hypnotisabilité et le reste un degré faible (2). Deux à trois pour cent des sujets qui ont un degré élevé sont des virtuoses de l’hypnose et présentent d’excellentes performances (1).

On peut considérer que les enfants, les adolescents, les adultes et les personnes âgées ont l’aptitude d’entrer en hypnose (2, 3). L’hypnotisabilité irait en augmentant après l’âge de sept ans jusqu’à la puberté l’âge adulte elle aurait tendance à décroître.

Les facteurs de risque

Existe-t-il des facteurs de risque par rapport à l’hypnose ? Oui. Ils se situent à trois niveaux différents: celui du sujet, celui de l’hypnotiseur et celui de l’environnement (7, 11). Ces risques deviennent minimes, voire inexistants, dans les mains d’un clinicien qui est formé à l’hypnose à la suite d’études universitaires lui permettant d’exercer une profession médicale ou de psychologue et qui est membre de l’ordre professionnel de sa discipline (11).

 

La durée des traitements

Si l’on considère l’hypnose comme un outil thérapeutique utilisé dans le cadre d’une thérapie, la durée du traitement hypnotique comme tel sera déterminée par le thérapeute selon les buts qu’il poursuit avec son patient ou son client. On note dans la littérature des exemples de modifications des habitudes (arrêt du tabagisme) suite à une seule séance hypnotique. Au contraire, certaines affections somatiques ou certains symptômes psychologiques nécessitent un nombre plus élevé d’inductions hypnotiques. Quant à l’hypnoanalyse, elle peut exiger des traitements à plus long cours mais elle permet d’abréger la période normalement consacrée à une psychanalyse.

Nombreux sont les domaines d’application de l’hypnose clinique. Il est cependant possible de les grouper globalement dans trois catégories principales : la médecine avec ses diverses spécialités, la médecine dentaire et la psychologie. Les affections somatiques et psychologiques qui peuvent être traitées par l’hypnose couvrent un vaste territoire et se réfèrent à presque toutes les spécialités médicales, ainsi qu’à la plupart des troubles d’ordre psychologique ou psychiatrique (8).

Même si l’hypnose clinique est habituellement associée aux traitements des maladies physiques et/ou mentales, il n’en demeure pas moins qu’elle peut être aussi bien appliquée dans le cas des personnes saines de corps et d’esprit. Il s’agit alors d’améliorer la concentration des intéressés, leur performance académique ou sportive, leur talent artistique et leur créativité. Les sociétés scientifiques qui peuvent se prévaloir d’un code d’éthique et regrouper des professionnels de la santé avec des assises scientifiques sérieuses, ainsi qu’une formation à l’hypnose clinique, sont en mesure de sauvegarder les interventions en matière d’hypnose et de protéger le public.

 

Références

1. Barber, T.X. (2000). A deeper understanding of hypnosis : its secrets, its nature, its essence. American Journal of Clinical Hypnosis, 42 (3/4) : 208-273.

2. Bates, B.L. (1993). Individual differences in response to hypnosis, in J.W. Rhue, S.J. Lynn and I. Kirsch (Éds) :  Handbook of Clinical Hypnosis (p. 23-54). Washington : American Psychological Association.

3. Bourassa, M., Golan, H.P., Leclerc, C. (1999). L’hypnose en médecine, en médecine dentaire et en psychologie. Montréal : Méridien.

4. Fromm, E., Brown D.P., Hurt, S.W. Oberlander, J.Z., Boxer, A.M., Pfeifer, G. (1981). The phenomena and caracteristics of self-hypnosis. The International Journal of Clinical and Experimental Hypnosis, 29 ( 3) 189-246.

5. Godin, J. (1992). La nouvelle hypnose : vocabulaire, principes et méthode. Paris : Albin Michel.

6. Halfon, Y. (1999). Hypnose maternelle et maternalité. L’en transe, 7 (3) : 7-11.

7. Hammond, C. (1991). Hypnotic induction and suggestion : an introductory manual. Des Plaines, IL : The American Society of Clinical Hypnosis.

8. Hammond, C. (1990). Handbook of hypnotic suggestions and metaphors. New York : Norton.

9. Hoareau, J. (1992). Hypnose clinique. Paris : Masson.

10. Kirsch, I., Lynn, S.J., Rhue, J.W. (1993). Introduction to clinical hypnosis, in J.W. Rhue, S.J. Lynn and I. Kirsch (Éds.): Handbook of Clinical Hypnosis, (p. 3-22). Washington : American Psychological Association.

11. Mac Hovec, F.J. (1986). Hypnosis complications : prevention and risk management. Springfield, IL : Thomas.

12. Rossi, E.L. (2000). In search of a deep psychobiology of hypnosis : visionary hypothesis for a new millenium. American Journal of Clinical Hypnosis, 42 (3/4) : 178-207.

13. Roustang, F. (2000). Hypnose mystérieuse ? L’en transe, 8 ( 1) : 5-7.